des Mille Pas de Loup

des Mille Pas de Loup Berger de Beauce

Berger de Beauce

L’ergot, ou « griffe de St Hubert » est un vestige présent chez certaines races de chiens porteuses d’un doigt et griffe supplémentaire sur la face interne des membres postérieurs donnant l’impression que le chien a six doigts.(pas d'appui sur ce doigt supplémentaire).

Outre le beauceron,il est exigé également au standard du Briard, par contre il est facultatif chez le Berger des Pyrénées, et son ablation est même recommandée dès la naissance chez le Berger Picard!

Une polémique autour de cet attribut fait donc rage depuis plus d’un siècle!

Dans le clan des adversaires du double ergot, le Docteur Bouchet de l’Ecole vétérinaire de Lyon pense que «l’ergot du beauceron ne constitue pas un caractère racial, mais un caractère secondaire banal, voire dépréciateur et dangereux pouvant agir comme un crochet ou un harpon par lequel l’animal risque de s’accrocher à des herbes ou à des ronces».


Effectivement, la présence du double ergot ne peux être utilisée comme critère de race puisque sa transmission n’est pas systématique: certains chiots Beaucerons de pure race naissent simplement ergotés voire pas du tout, alors que le double ergot est retrouvé sur des portées issues de croisement avec d’autres races donc sur des chiots qui ne sont pas de pure race!

Pour les partisans du double ergot, celui-ci «ne représente aucun caractère d’utilité pratique, mais les races de chiens sont définies par des critères qui ne représentent, la plupart du temps, aucune utilité pratique non plus » (Monsieur Sauvignac, ancien Président du Club de Race)

En 1980,la fédération cynologique internationale (FCI) a fait parvenir aux sociétés affiliées une circulaire recommandant aux juges de ne pas disqualifier les sujets dont les ergots auraient été enlevés ou opérés, invitant les pays responsables des standards à ne plus considérer les ergots comme des caractéristiques déterminantes.


La première mention d’un double ergot chez le Beauceron date de 1897, dans l’ouvrage du comte Henry de BYLANDT, «Les races de chien» où on pouvait lire « ergoté double aux deux pattes de derrière ».

Pourquoi a-t-on sélectionné et donc conservé ce caractère tératogénique?

Les raisons avancées sont une meilleure assise et/ou un pied plus sûr.

Ces explications sont peu probables car l’ergot est inséré bien plus haut que la zone d’appui du pied, il ne touche pas le sol et est donc totalement inutile.

Comme le remarque Monsieur Sauvignac (1983) : « Si les Bergers de Beauce avaient, tout au début, été sélectionnés avec un double ergot utile, les premières descriptions, les premiers standards auraient bien insisté sur ce point.

Les premiers dessins qui remontent à la fin du XIXème Siècle nous auraient montré des Beaucerons avec des ergots bas placés, alors qu’il n’en est rien.


Pourtant ces écrits ou ces dessins collaient avec la réalité. »

L’histoire la plus séduisante est celle du cynologue Tournemine, qui parle en 1892 d’un chien à double ergot s’étant rendu célèbre sur le marché de la Villette par son habileté au travail.

Il est cependant peu plausible que ce chien soit à lui seul à l’origine de la fixité de ce caractère.

La raison la plus probable est que le double ergot ai été associé avec les aptitudes de berger : « si, dans des lieux complètement différents comme la Savoie, le Massif Central ou les Landes où des bergers, des cultivateurs, possèdent des chiens de race indéterminée pour garder et conduire le troupeau, on pose la question "lorsque que vous voudrez garder un nouveau chien sur quoi vous baserez-vous pour le choisir", dans 60% des cas la réponse est "celui qui aura des doubles ergots" .» (Sauvignac, 1983)

Ainsi, le double ergot aurait été un moyen de choisir un chiot efficace au troupeau au sein d’une portée, partant du principe que s’il possédait ce caractère en commun avec son géniteur, il aurait plus probablement les mêmes aptitudes au travail.


Le double ergot est rapidement devenu une exigence, puisqu’il apparaît dans le standard du Beauceron dès 1911.

Outre le beauceron,l'ergot supplémentaire est exigé également sur le Briard (cf standard de la race), par contre il est facultatif chez le Berger des Pyrénées, et son ablation est même recommandée dès la naissance chez le Berger Picard!

On peut donc difficilement prétendre, en comparant ces quatre races, qui sont toutes des races bergères françaises, que la présence ou l’absence d’ergot simple ou double puisse être associée à des aptitudes bergères!

Le double ergot a donc eu depuis toujours de nombreux défenseurs et détracteurs.

Dès 1914, au cours de l’assemblée générale du Club Français du Chien de Berger, on a émis l’idée de supprimer le double ergot des standards du Briard et du Beauceron.


Dès 1917, Paul Mégnin, directeur de «l’Eleveur» s’élevait avec force et à plusieurs reprises contre la présence de l’ergot qu’il traitait de « disgracieux et dangereux », en raison des plaies qu’il occasionne souvent.

En 1922, dans l’Acclimatation, De Kermadec écrivait qu’il voyait dans l’ergot un caractère tératogénique et d’héritage molossoïde.

Puis Dretzen est intervenu en 1927 auprès de la Société Centrale Canine concernant les chiens de police et de travail auxquels on enlevait ce double ergot afin que cet ablation des ergots, précaution nécessaire de part le travail des chiens, ne soit pas une cause de disqualification…

En conclusion, le double ergot n’ayant absolument aucune utilité, il n’est conservé que par esprit de tradition. Ceci peut être regrettable et risque de conduire à éliminer de la reproduction des sujets par ailleurs très performants, et donc conduire à une sélection erronée.

Enfin c'est aussi une histoire de goût puisque certains trouvent ce double ergot inesthétique...alors que d'autres sont trés attachés à ce qu'ils qualifient de tradition mais dont le fondement demeure bien mystérieux.

Avec ou sans le double ergot, le beauceron n'en demeure pas moins un chien excellent dans bien des disciplines y compris dans son rôle de chien de famille!